Frédéric Pascal : « Le monde associatif est un pilier essentiel de la cohésion sociale »

Entretien avec Frédéric Pascal, cofondateur de l’Agence du Don en Nature. Un échange conduit par le pôle communication d’ADN.

Naissance de l’Agence du Don en Nature, les défis du monde associatif, les enjeux du mécénat… Frédéric Pascal nous partage sa vision du rôle fondamental des associations dans une société plus solidaire.


L’Agence du Don en Nature : une innovation née d’un double constat

« ADN est un acte collectif », nous affirme d’emblée Frédéric Pascal, « un bel exemple de ce que peut être l’innovation sociale »

À la fin des années 2000, un paradoxe a sauté aux yeux des fondateurs : alors que les entreprises sont contraintes par la Loi de détruire leurs invendus, des millions de personnes vivent dans la précarité, sans accès aux produits de première nécessité comme du dentifrice, des vêtements ou des jouets. L’offre existe, la demande aussi — mais aucun pont entre les deux.

C’est là qu’ADN entre en scène. « Il n’existait aucune structure capable de gérer la logistique nécessaire : stocker, transporter et redistribuer ces biens non alimentaires. » L’association voit donc le jour pour répondre à ce besoin non couvert, à la fois aberration économique et impasse sociale.

Combler les failles du marché : le rôle fondamental des associations

Pour Frédéric Pascal, l’existence même d’une association répond à une faille dans la société : « Le marché ne couvre pas tous les besoins humains, et ce n’est pas toujours à l’État d’y répondre. Les associations naissent de cette zone grise. »

Il cite plusieurs exemples emblématiques : le Mouvement des Glénans, né après la Seconde Guerre mondiale pour rassembler les jeunes autour de la voile, le Planning Familial, fondé par quelques femmes dans les années 60 pour défendre le droit à la contraception et à l’avortement, ou encore Médecins Sans Frontières, né d’un refus de l’impuissance humanitaire face à la guerre du Biafra.

« Toutes ces structures sont parties d’un petit groupe de personnes convaincues. Elles ont répondu à un besoin inexistant dans le système. Ce sont des innovations sociales qui sont nées sur le terrain.Tout ce que l’on connaît aujourd’hui en matière de sport, de culture, de lutte contre la précarité, de loisirs, est souvent né d’initiatives associatives. Ce n’est ni l’État ni le marché qui ont pris les devants ».

Et de conclure avec une citation de Tocqueville :

« Dans les pays démocratiques, la science de l’association est la science mère ; le progrès de toutes les autres dépend des progrès de celle-là. »

Bénévolat et mécénat : les deux moteurs du monde associatif

Pourtant aucune action associative ne peut exister sans l’engagement des citoyens et le soutien du mécénat, insiste Frédéric Pascal. ADN en est un parfait exemple : « Nous avions besoin de financements pour salarier une première personne, puis une deuxième. C’est la Fondation Carrefour qui nous a permis de franchir ce cap. »

Ce soutien privé est indispensable, tout comme les subventions publiques, mais à une condition : préserver l’indépendance du tissu associatif. « L’État ou les collectivités ont parfois tendance à orienter les appels à projets en fonction de leurs propres priorités. Il faut laisser les associations détecter elles-mêmes les besoins, c’est leur force. »

Du terrain au plaidoyer : transformer l’action en changement systémique

L’action d’ADN ne s’est pas arrêtée à la redistribution de produits. Elle s’est traduite en acte citoyen d’envergure nationale : « Grâce à notre expérience, nous avons contribué à l’émergence de lois contre le gaspillage, comme la loi AGEC. »

C’est, selon lui, la vocation ultime d’une association : faire entendre la voix de la société civile, porter ses constats auprès des décideurs et transformer l’action locale en progrès collectif. Il plaide pour une reconnaissance accrue de cette démocratie participative, complémentaire de la démocratie représentative.

La dignité humaine, boussole de l’engagement associatif

Au cœur de cette démarche, une valeur fondatrice : la reconnaissance de l’égale dignité de chaque être humain. « Toute action associative devrait partir de là », affirme Frédéric Pascal. « Si on ne croit pas en l’égale dignité de chacun, il n’y a pas de sens à agir. »

Il évoque la Déclaration universelle des droits de l’homme comme point d’ancrage, et rappelle que la liberté de penser, le respect de l’autre, le refus des idéologies de haine, doivent guider l’engagement associatif. « Traiter chaque personne comme normale, comme égale, quel que soit son statut ou sa situation

Et demain ? Vers un capitalisme régulé et humain

Frédéric Pascal conclut en interrogeant le rôle futur des entreprises dans ce paysage : « Il faut faire évoluer le capitalisme. Soit il reste sauvage et destructeur, soit il devient plus humain, plus responsable. »

Les entreprises à mission et la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) vont, selon lui, dans le bon sens. « Ce n’est pas que de la com’. C’est une prise de conscience des besoins de la Société. Et ça marche : de grandes entreprises comme Michelin ou L’Oréal le prouvent. »

Le monde associatif, à travers des initiatives comme ADN, joue donc un rôle crucial de passeur entre citoyens, entreprises et pouvoirs publics. Pour Frédéric Pascal, une chose est certaine : le vivre-ensemble passe par les associations. Et tant que des besoins existeront, elles auront leur place. Mieux : elles seront indispensables.